faire et ne pas faire

Rassurez-vous, Lucas Taïeb s'aime plutôt bien. Mais seulement sous ses propres critères. Il est auto-adéquat, il s'auto-adhère. S'il faut sortir de sa tête, autant faire autre chose que de "l'art". S'il s'agit de se mettre sur des feuilles de papier, autant coller au plus près. Sa tendance à baisser les bras ne vient pas d'une mésestime de soi, au contraire, c'est parce qu'il considère que "Lucas Taïeb convient au monde de la création" qu'il ne comprend pas comment on a pu dire autre chose et lui préférer des futilités. Si on ne le saisit pas, alors pour la peine il ne se saisit plus non plus et il arrête tout. Il est comme ça. Mais c'est pas grave, ça varie, ça s'en va petit à petit.

Avec quelle concentration je me penchais sur la feuille pour tracer mes traits ! Plus rien n'existait. Car c'était pour le neveu d'un auteur publié. Je devais lui faire lire mes méfaits en vue d'une probable collaboration. Et là hop, le flacon d'encre de chine se renverse et mes pages sont massacrées. J'ai pris ça comme un signe de ma nullité éternelle : dès que je tentais de faire de l'art sérieusement - les phénomènes/outils nommés concentration et encre de chine m'étant inhabituels - la supercherie était découverte. (J'ai revu plus tard le commanditaire : lui aussi pratiquait le dessin en dilettante ; nous serions peut-être devenus les meilleurs si nous ne nous étions pas ratés !)

Peu de temps plus tard : même concentration et même soin technique sur d'autres pages destinées, elles, directement à la revue d'une idole. Je lui envoie les originaux (ère pré-informatique), il me dit que c'est "pas mal". Je n'ai jamais su ce qu'il en était advenu. Autre signe de ma prétention indécente à être autre chose que "pas mal" : même quand je me saigne, on me prend à la légère. Nouvelle mise en évidence de la supercherie.

Pour la peine, je n'ai jamais retrouvé ces états d'ambition artistique. Je me suis donc mis à bâcler, ça vous apprendra. Ça a plu un temps (davantage que quand je me concentrais), puis plus trop, puis plus du tout. C'est là que je me suis dit que le problème était originel.

Mais c'est trop tard, maintenant les mots m'appellent.

On peut dire que je voulais faire quelque chose qui pouvait rappeler Exacerbations mais en plus "adulte", "philosophique" et "personnel", si ça veut dire quelque chose. On peut dire aussi que ces pages ont toutes été publiées sur le site Infusion et que je remercie Mathilde par la même occasion. On peut dire enfin que sur ce même site on peut lire une série autobiographique nommée "Lucas Taïeb est énervé" à laquelle je vous renvoie allègrement pour de plus amples informations.

Durant l'année radiophonique 2011/2012, le sémillant David Christoffel m'avait proposé d'illustrer parfois le podcast de son émission quotidienne "Les Oreilles Sensibles" sur France Musique (qui n'existe malheureusement plus aujourd'hui) par un strip de mon cru s'appuyant sur une phrase extraite, choisie par lui-même, de sa chronique du jour. J'ai dit oui et ça a donné des choses comme ci-dessous. Qu'il en soit donc remercié.

(La première de ces pages est parue sur le site Infusion Revue.)

essais :

originale :

texte corrigé :

version finale (merci à Elizabeth) :

http://www.lesepinards.fr/

(Certains de ces strips sont parus dans le journal "En attendant Q" des éditions EnQulture en 2012 ; Harold Masseron est un nom inventé par Polka et PefTonus en 2004 dans le cadre du journal "Un Plat de Nouilles".)

Si j'avais eu confiance en moi, je n'aurais jamais ruiné ma vie en achetant des tas de BD indés qui allaient me montrer ce qu'il fallait faire (comme je le croyais), j'aurais directement FAIT. 

FAIRE.

Alors certes, j'ai quand même FAIT, malgré tout, mais pas assez, j'aurais pu FAIRE bien plus et rester plus libre en ne lisant rien. J'aurais peut-être atteint la maturité. 

Si un jour j'intente un procès, ce sera à la BD indé et à mon complexe d'infériorité, côte à côte sur le banc des accusés. Crime de la première : vol avec circonstance aggravante. Crime du second : séquestration.

On peut considérer que ça rentre dans la suite des Archives d'Inquiétude : je republie en partie (pas fou, y'a des choses trop honteuses) un blog de 2008/2009 nommé Autant rien faire, mais c'est bien plus que du ressassement car en parallèle je confectionne un tout nouveau blog réflexif et profond du nom de Immobile et agité. Lisez les deux en même temps, vous comprendrez : chaque page se correspond jour après jour, quotidiennement. J'ai à la fois changé et pas changé.

PS : Pour tout savoir de mon actualité, suivez mon Facebook mis à jour dès que y'a un machin ou un truc posté quelque part : aimer Lucas Taïeb, c'est aimer l'intelligence, la sensibilité, la lucidité. À noter que j'y publie, dans un album nommé "Bonus Incongrus", une sorte de Rab Honteux d'Archives d'Inquiétude 2007/2009 (ma période bête), Rab qui devrait ensuite mener à un blog encore plus Honteux, mais vous verrez.

EDIT : le blog "Honteux" c'est donc "Entre nos jambes", un florilège de mes pages sur le couple, l'intime, le sexe et ce genre de choses. On est toujours dans 2007-2009, donc.