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faire et ne pas faire
14 juin 2021

En 2020-2021 ? Trois autres livres publiés de ma

En 2020-2021 ? 
Trois autres livres publiés de ma Mini-Anthologie Limitée, Provisoire et Dans Le Désordre ; je l'appelle comme ça, ce qui n'est pas le cas de mon éditeur PCCBA, auprès de qui je m'excuse donc.
Par ailleurs, je m'excuse auprès de Déconfetti d'avoir été présent dans les numéros 24, 39, 40, 41 et suivants ; autant d'avoir été si peu présent que de l'avoir été déjà trop. 
Bref, j'ai à la fois fait et pas fait, comme depuis toujours, comme le rappelle en substance (ou en détails, tout dépend sur quel plan l'on se place) ce texte également mis (car ni vraiment "publié", ni vraiment "paru") sur mon blog Définitivement qui est, à tout prendre, ce que je préfère :

 

Faire et ne pas faire



C’est justement parce qu’il y avait l’évidence qu’il y a eu la honte.

Justement parce que c’était trop normal d’être un artiste, trop l’exemple recommandé, qu’il y a eu l’envie trop spontanée de l’être et à partir de là, la peur du ridicule.
Tous ceux qui paraissent ne pas avoir de problème à l’affirmer, à nager dans le bain, c’est sûrement après tout parce qu’à la base ils ont eu l’impression d’obtenir quelque chose contre une évidence adverse, qu’ils sont pas gênés. C’est la fierté, l’affirmation, l’orgueil d’en être contre tout ce qui n’en est pas.
À l’inverse, quand il a paru (à moi) que c’était la banalité du destin que d’y tendre, d’essayer de me trouver « mon truc » à moi dans l’art et que cette recherche, par sa candeur trop empressée, me conduisait à investir des choses trop fortes pour moi, me conduisant au ridicule, je ne pouvais que me sentir perpétuellement honteux. Je disais donc : la honte d’une évidence trop grande (trop grande dans l’absolu, trop grande pour moi).

J’ai retardé le plus longtemps possible le moment où j’allais devoir me saisir moi-même de mes dires, au lieu de les laisser aux autres. Banalité de démarrer en tant qu’interprète ? Certes, sauf que c’était ainsi, déjà, que j’avais l’impression de « faire » (l’art). Être tellement nourri, y plonger tellement et en répéter les atours et les contours, que l’évidence perdait sa sécheresse (la sécheresse crucifiante du « allez, vas-y, à toi ! ») et prenait toutes les couleurs possibles du monde. C’est quelque chose que j’ai retrouvé tout au long de mon parcours : les périodes où j’ai l’impression de « faire » le plus, à savoir d’être le plus (vous m’accorderez l’équation faire = être), sont rarement celles où j’ai « fait » proprement dit au sens où l’entendent ceux qui « s’y mettent » vraiment. « S’y mettre » me semble même parfois la meilleure façon de se défiler, de passer à côté non seulement de soi, mais aussi carrément de l’art en tant qu’en-soi (celui-ci devenant alors sec, trop accessible à l’individu pour être honnête).

À partir de là, ma démarche d’artiste, épousant à son corps défendant, par la force des choses, de façon non préméditée, une propension conceptuellement postmoderne à la « monstration de soi », allait reposer sur cette source fort riche en surprises, dont le plus grand mystère est pour moi qu’elle ne convainc pas davantage de monde : celle de l’alternance entre « faire et ne pas faire », sans que l’on sache jamais très bien de quel côté l’on se situe.
Dit de façon plus sociale : c’est justement parce que l’art était l’évidence de ma vie qu’il ne fallait pas que je m’y consacre. « M’y mettre » entièrement aurait été une preuve d’une trop grande légèreté vis-à-vis de lui. C’est justement en ne m’y « mettant » pas entièrement que je m’y suis mis tout entier, au sens où ainsi c’était complètement moi : ce fait de ne pas « s’y mettre », ça ne pouvait pas être plus moi. Et c’est cela que je voulais montrer, développer.
Ainsi, parfois, j’ai été encore plus proche de l’art quand je m’en éloignais, car cette volonté d’éloignement ne pouvait avoir lieu que sous son commandement, témoignait de son importance tellement haute qu’il pouvait me conduire à vouloir m’en préserver (pour ne pas le gâcher, et puis toujours à cause de sa trop grande force pour mes faiblesses).

Hors de question de faire de l’art, tellement je suis un artiste ! C’est pour ça que je n’en parle pas à grand monde. Ça doit rester entre l’art et moi. Ainsi, c’est l’être encore plus, c’est faire juste pour faire, ce qui est bien le plus bel hommage que l’on peut faire au faire.
Ceux qui sont « dedans », est-ce qu’on peut dire qu’ils continuent vraiment à l’être, à en faire ? Franchement, pas tout le temps, pas souvent. C’est autre chose : c’est leur raison de vivre ; moi, c’est ma raison d’être. Ma raison de vivre, c’est le sentiment de l’art dans la vie, ce qui suppose parfois de laisser un peu l’art pour mieux le retrouver dans la vie. Quant au sentiment de la vie dans l’art, je connais aussi, je m’y suis attaqué dans ma jeunesse, quand je m’y isolais du reste. Mais alors c’était trop « faire » pour que ce soit vraiment du « faire » digne de la vie, c’était trop s’obnubiler, s’illuminer : il faut que « faire » sache passer par « ne pas faire » pour rester pleinement vivant.

Me soigner, il me semble que c’est souvent passé par « ne plus faire » (de l’art). Car c’était ainsi me délester de manies, de lubies. Or, l’artiste qui « y est », qui « s’y met », il doit accepter de s’y enfermer, dans ses lubies. C’est ainsi qu’il fait son métier. Il devient ainsi à la fois non-sain, contraire à la vie et donc à l’être et donc à l’art, tout en étant officiellement artiste et même le seul « vrai », le seul qui soit. Il y a quelque chose qui cloche, ça colle pas. Quand c’est qu’ils nous montreront lorsqu’ils ne font plus ? On aimerait les voir (aussi) lorsqu’ils ne font pas ou plus ! Mais ça, ils le gardent pour eux, alors que c’est ce qu’il y a de plus intéressant.

Je suis sûr que vous savez que c’est quand je ne fais pas que je fais le plus, je suis sûr que ça se sent. Le faire sentir, c’est ce à quoi je me suis consacré, ce qui suppose donc (aussi) (parfois) de volontairement et sereinement ne plus faire.

Dans chaque période, dans chaque virage, je suis conscient que ça ne durera qu’un temps, que ce n’est qu’une période, qu’un virage, mais ce sentiment n’empêche pas d’y aller délibérément et frontalement. Au contraire. Ça fait partie de la richesse de la décision. Quand je refuse l’art, c’est tout l’art qui m’entraîne ainsi et que j’ai hâte de retrouver dans quelques mois ou quelques années (suivant la durée de la période, du virage) ; mon refus, c’est encore lui, c’est encore de l’art. Le goût pour m’en sortir, pour le réfléchir, m’en distancer d’un regard distancié, sociologique, psychologique, c’est encore lui, c’est toujours lui, c’est toujours l’art qui me fait être ainsi. Ce serait pas possible autrement. Ça n’aurait pas lieu.

Le fait d’écrire tout cela, c’est y revenir pleinement (dans une exposition proprement artistique où le ton, le ton du soi a toute son importance). Mais je sais qu’en y revenant, je voudrai dans quelques temps m’en éloigner de nouveau et rejouer au « revenu de tout », au sachant. Et alors je n’écrirai de nouveau plus pareil, à ce point que je ne voudrai plus écrire (au sens d’écrire) : je voudrai alors dire (alors que dire, dans l’art, ça ne se fait pas, ça n’est pas des manières). J’en ai tout à fait conscience en ce moment, au moment où précisément je dis, tout en écrivant, je fais croire que je dis alors que j’écris et vice-versa, en fait je ne sais pas forcément où j’en suis. Mais quoi qu’il en soit, bientôt, je ferai croire que j’écris alors que je dirai. Vous verrez.

 

 

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